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Concertation

 

La pêche en Martinique partage un ensemble de caractéristiques avec les autres secteurs de la pêche en France : pratique majoritaire de la petite pêche (bateaux de moins de 12 m et sorties en mer de moins de 24h, donc proches du littoral)[1] ; pourvoyeuse d’emplois. Elle travaille sur une ressource renouvelable mais épuisable qui renvoie aux problèmes de gestion de l’activité et de gouvernance de la mer ; elle partage les mêmes préoccupations entre des efforts de modernisation, d’investissement, et les aléas de l’activité, la crainte de l’épuisement de la ressource.

 

[1] Document du ministère du développement durable : http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/Chiffres_cle_peche.pdf

 

Une certaine désaffection

 

Malgré tous les efforts de la mission d’exploration pour la mise en place du PNMM, les pêcheurs ne participent pas au processus de concertation, ni à travers le Comité Régional des Pêches, ni par l’intermédiaire de leurs représentations syndicales ou sectorielles. Que signifie une telle désaffection ? Est-ce que les concepts qui sous-tendent la création d’un parc naturel marin (patrimonialisation de la nature, gestion intégrée des zones côtières) sont trop éloignés des représentations et des interactions des pêcheurs autour de leur savoir et de leurs pratiques empiriques et symboliques ? Plusieurs auteurs soulignent ces interactions à base de rituels magiques, d’interprétation oniriques, d’opportunisme ou de renforcement de l’individualisme (André-Bigot, 2002 ; Dubost, 2002). Est-ce une défiance vis-à-vis d’un processus perçu comme restrictif vis-à-vis de leur activité et attentatoire à leur liberté ? C’est ce sentiment de liberté et un refus de toute coercition qui fait qu’une très large majorité de pêcheurs sont constitués des matelots, voire, de petits patrons qui ne sont pas enrôlés (Failler, 2002 ; Dubost 2002). Est-ce la crainte de s’engager dans un processus dont ils ne maîtrisent pas les éléments constitutifs du débat et de la prise de décision (formules de concertation, importance de l’information scientifique)?

Un monde qui se complexifie 

 

Par ailleurs, le monde de la pêche en Martinique est loin d’être monolithique. L’effort de modernisation de la flotte,  soutenue par l’Etat français et l’Europe au tournant du siècle, a introduit des disparités parmi les pêcheurs professionnels. Certains se sont convertis à l’activité touristique tout en conservant leur rôle de pêcheur, introduisant des tensions dans une communauté égalitaire (Carrier, 2002). De petits marins pêcheurs se trouvent à la limite de la "pêche de plaisance", qui fournit une part non négligeable de produits de la mer en autoconsommation et vente au voisinage. L'absence des pêcheurs dans la concertation est problématique car leur présence est requise pour la mise en place du futur PNMM . Christian Chaboud et Florence Galletti rappelle que la décision de création d’une AMP est d’abord politique et juridique (Chaboud, Galletti, 2007), c’est-à-dire un processus essentiellement descendant, qui se heurte à une psychologie locale de refus de tout coercition. Pourtant, les pêcheurs sont capables d’initiatives pour la protection de la mer et de leur activité. Ils sont ainsi à l’origine des cantonnements de pêche mis en place à partir de 1999 (Valvidia, 2014). Ils disposent aussi de savoirs spécifiques qu’il serait nécessaire d’inclure dans un processus de concertation ascendant. Désintérêt, incompatibilité des savoirs, défiance ou sourde opposition, il nous appartient d'identifier les raisons de la désaffection des pêcheurs pour le processus de concertation pour la mise en place du PNMM.

Pêcheurs et concertation

 

Désintérêt, incompatibilité des savoirs, défiance ou sourde opposition, il nous appartient d’essayer de comprendre la désaffection des pêcheurs pour le processus de concertation pour la mise en place du PNMM.

 

La première question qui se pose dans ce contexte est de savoir si l’organisation des territoires de pêches et les conflits territoriaux qu’il peut engendrer au sein du secteur ou entre secteurs d’activité (en particulier sur l’interface littoral) a un effet sur les jeux d’acteurs et sur la façon dont ils perçoivent, utilisent, comprennent les enjeux autour de la création du Parc. On constate en effet que les réunions et les approches terrain ne permettent pas une bonne concertation ; il y a peu de participation, une lecture insuffisante des documents diffusés, et une connaissance limitée des enjeux de la protection.

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